Sur les hauts potentiels

“Le désir d’écouter est fragile, lent à se structurer. Il doit déclencher le désir de communiquer. ”  Pr A. Tomatis dans L’oreille et la vie.

Vous démarrez la rentrée 2019 sur les chapeaux de roues ? Comment reprendre le rythme effréné des activités scolaires et aborder tous les nouveaux défis?

Ces défis sont bien souvent une source d’inquiétude. Pourquoi ne pas saisir l’occasion pour faire un bilan des aptitudes de vos enfants quand leur scolarité est jalonnée d’échecs et de questionnements. Qu’elles soient récurrentes ou persistantes, qu’elles touchent les apprentissages, le relationnel, le comportement en général, ces difficultés ne sont pas irrémédiables.

Le bilan auditif tel que pratiqué selon la méthode Tomatis est un outil précieux pour déceler nos difficultés et nos points forts. Parfois même, ce bilan nous montre une certaine précocité de l’enfant ou de l’adulte, un potentiel “masqué” , comme le dit le Dr Olivier Revol, spécialiste de la question , par une forme de dyslexie ou autre trouble spécifique. Les hauts potentiels ont des courbes auditives particulièrement hautes et croissantes. Elles sont positives. Leur spectre auditif est bien souvent ouvert, parfois dès un plus jeune âge. Leur audition est élevée jusque dans les fréquences aigües. C’est un signe qui ne trompe pas.

Concernant les hauts potentiels, nous savons aujourd’hui que malheureusement nombre d’entre eux quittent le système scolaire pour diverses raisons : l’ennui, le stress du regard des autres. D’autres, aux prises avec leur cerveau bouillonnant, ruent dans les brancards. D’autres, plus discrets, préfèrent rester murés dans leur monde.

C’est l’histoire de la petite dernière venue en thérapie. A la même époque l’an dernier, sa maman m’appelle pour faire le point sur son retard de langage. Elle habite loin. Nous cherchons des solutions pour se voir. Je vais me déplacer avec mes appareils. En décembre 2018 nous faisons un premier bilan auditif. Marie (j’ai modifié son prénom) a 4 ans ½, elle est en Moyenne Section, elle semble avoir toutes les acquisitions cognitives et motrices de son âge, elle est particulièrement douée en dessin et en art plastique. Elle mélange les médiums d’une façon naturelle et déterminée, les crayons de couleurs, les crayons gras, les feutres, le découpage, le collage, tout cela sur un même support.

Sa maman vient me voir car Marie utilise le langage d’un tout-petit de 18 mois-2 ans. Les syllabes sont déformées, incompréhensibles, les phrases minimalistes, la syntaxe est pauvre. Elle n’utilise pas encore le “je” . Seuls ses parents la comprennent. Elle fait encore pipi au lit la nuit. Dans la cour de récréation elle se tient à distance des autres, elle observe. Dans la classe elle dit souvent qu’elle ne sait pas faire et participe peu aux activités.

Lors du premier rendez-vous le test auditif montre une belle courbe aérienne croissante, sur les 2 oreilles. La structure est bonne, la perception des sons aussi. Cependant , on peut aussi voir ce que nous appelons des “antennes “ d’anxiété et de nervosité, et sa courbe osseuse montre un blocage émotionnel très important. L’anamnèse permet d’en savoir un peu plus, et au fur et à mesure des séances nous pouvons comprendre les raisons de ce blocage.

Très vite Marie va passer à la phase d’écoute de la voix de sa maman filtrée. Deux mois plus tard, après une première série de séances d’écoute, Marie est beaucoup plus calme, elle est plus sereine et se concentre mieux. Sur son nouveau test d’écoute on peut voir des courbes apaisées. Marie utilise la zone préfrontale pour “écouter” . C’est la zone du cortex qui participe à l’attention et au contrôle de l’impulsivité. C’est une grande avancée.

Par ailleurs, elle commence à faire de belles phrases, plus longues, plus riches en vocabulaire, et surtout plus compréhensibles par son entourage qui est ravi.

A l’école , elle participe plus, la maîtresse la trouve plus autonome, Marie sait mieux “faire toute seule” .

A fur et à mesure des sessions, il y a des phases de régression où Marie fait encore des ba be bi bo bu et des areuh, recherche la protection de sa maman, reste muette. Les parents sont impatients car les séances demandent beaucoup d’implication pour le père et la mère. Je leur rappelle : “la méthode Tomatis ce n’est pas du dressage , c’est une reconstruction affective de l’enfant, de façon à ce que seul le désir soit le moteur de tout: écouter, communiquer et s’ouvrir au monde sans crainte. “  Or ce désir c’est la voix maternelle qui souvent le recrée. C’est une longue histoire, je ferai un autre article plus détaillé sur la voix maternelle mais de nombreuses études ont déjà démontré les bienfaits de la stimulation par la voix de la mère sur l’enfant.

Sept mois plus tard Marie est beaucoup plus en interaction avec les autres. Chose nouvelle : elle explique les mots que les autres ne comprennent pas, elle est moins “ultrasensible” , elle sait expliquer ce qu’elle ressent au fond d’elle. C’est une petite victoire.

Elle joue aux Kapla pendant les dernières séances, je me dis qu’elle reconstruit son édifice intérieur. Je lui demande ce qu’elle construit, elle répond c’est un pont. Qu’est-ce qui coule sous ce pont? Elle répond de l’eau, c’est l’Isère. Bien que l’articulation soit encore à travailler, elle s’exprime de façon très ajustée. Elle fait et refait des maisons avec garage. Nos bases sont-elles toujours en reconstruction ?

Il faudra encore quelques séances pour travailler l’articulation et sa confiance en elle. Marie se libère peu à peu de ses peurs pour déployer toutes ses compétences et ses talents.

Je me dis que grâce à Marie, moi aussi j’ai grandi, que le temps présent reste toujours maître de nos croissances, et que nous sommes avant tout des êtres de désirs en quête de liberté.

Sept. 2019